dimanche 11 septembre 2016

11- Je n'apprendrai pas à chauler



Comme je passais, de bon matin, dans le bourg de Tropoje, le père de ce jeune garçon m'a invité à entrer chez lui pour déguster un café turc et donner une leçon de français à sa fille. Elle ne s'exprime pas, mais j'ai pu admirer le cahier d'écolier, un peu surpris que les fautes d'orthographe ou de grammaire ne soient pas corrigées. Non, on ne les corrige pas ! Le petit frère est un coquin qui arrive tout faraud affublé de ma casquette.


La grand-mère et le père au téléphone : le "mobil" entraîne ici le même esclavage que chez nous. A vrai dire, je ne sais même pas si "mobil", autre mot du volapuk prononcé "mobaïl", est employé ici, je me désintéresse de la question, je n'en ai pas.


J'emprunte une piste qui passe devant la maison de cet homme, et l'interroge sur mon itinéraire pendant qu'il taille un manche d'outil. Je comprends qu'il va falloir retourner sur l'asphalte...
Pour me consoler, il m'offre le petit-déjeuner que voici ! 
En fait, tournant le dos au Kosovo sur cette belle et large route, je ne vais pas la suivre longtemps, et me réjouir de l'avoir quittée dans le message qui suit.


Moi qui ne suis dévot ni du macadam, ni du bitume, ni du goudron, ni de l’enrobé (je l'ai déjà dit), je mets mon sort et ma confiance dans les mains des dieux de la fantaisie, et je tente le tout pour le tout en quittant la route dès que mes guides attentionnés ont le dos tourné. Je ne suis pas un provocateur. Ce jour-là, grâce à mon obstination, j'ai eu le bonheur de croiser un cheval blanc en mal de solitude, de me balancer sur une passerelle fatiguée, de suffoquer devant un four à chaux, de pique-niquer avec des chèvres, de me shampouiner et m'asperger tout nu dans une mare plus petite que vos lavabos (sans même être dérangé, ça on ne sait jamais, mais en prenant la photo), de manger des figues et des mûres, et de faire ma tambouille dans les genévriers. C'était bien.


J'ai surtout eu la surprise et le plaisir de rencontrer une gardienne de vaches originale : au lieu de se récrier alors que j'ai quitté la route, elle m'encourage à traverser ses champs puis à suivre un sentier qui longe la rivière.

Le cheval solitaire

 La passerelle "fatiguée" est encore très sûre.

Le bac à chaux

 Auprès du four à chaux,
le propriétaire bucheronne énergiquement.
Je n'ose l'interroger. En quelle langue m'aurait-il répondu ?

Le lycée de Llugaj.
"Shkolla e mesme" signifie "lycée", 
et non pas "école" comme je l'ai noté sur la carte.

Les chèvres et les chevriers passent,
et s'amusent de mon petit foyer allumé.


Sur une piste, qui m'a été déconseillée car elle ne mènerait nulle part, je domine le chantier d'extraction de galets sur la rivière Lumi e Valbones, qui va rejoindre le Drin au lac de Fierze.


Sur cette piste qui bifurque, à peine me suis-je fourvoyé dans la mauvaise direction qu'il se remet à pleuvoir. A peine l'ai-je réalisé, et ai-je fait demi-tour que la pluie a cessé : y aurait-il une présence tutélaire qui m'envoie les signes dont elle dispose ? La piste me mènera ainsi "là où je vais", se déguisant même momentanément en allée de gazon ou presque. 


Le sommet d'où vient ce ruisseau parcimonieux est désert. Je suis certain qu'il est le domaine des seules chèvres dont j'entends tinter les cloches. Je remplis ma gourde, puis vais me "baigner" dans ce lavabo, shampoing et lessive compris. Désolé, vous n'aurez pas la photo, je romps mon contrat avec mon sponsor (provisoirement) !


 Les genévriers


2 commentaires:

  1. En prenant les chemins de traverse c'est mieux même si le risque de se perdre est plus grand. Que de pluie quand même dans ces derniers récits !

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  2. En fait, il a plu sans espoir d'amélioration pendant 5 jours. Les autres jours, la pluie était intermittente, ce qui était très réjouissant par comparaison.

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