mercredi 7 septembre 2016

7- L'unité du travail est le joule

La vallée de Teth est un parc naturel qui témoigne de la vie quotidienne dans les communautés rurales régies par le kanoun, le code de droit coutumier médiéval qui sévit à nouveau dans les clans catholiques du nord albanais, depuis la chute de la dictature, malgré les menaces d'excommunications proférées par les autorités religieuses. Les bâtiments qui en témoignent ont survécu à la période communiste, contrairement à ceux des régions voisines, car le village était un lieu de séjour apprécié de la nomenklatura. Les maisons de pierre locale grise et l'église sont couvertes de bardeaux de bois.


Le petit musée est ouvert à tous vents et offre une vue sur l'église, les maisons dispersées et le haut de la vallée.


La tour de réclusion est quasiment la seule qui reste debout. Les hommes menacés par la "reprise du sang" s'y trouvaient confinés après avoir gravi chacun des trois étages en retirant derrière eux, à chaque fois, l'échelle qui permettait l'accès. En albanais la tour est une "kulla".


Au pied de la kulla, j'ai eu le plaisir de parler français avec Vangjel Dimroci, qui est morbihano-albanais. Pour obtenir cette qualification, il ne faut rien de plus qu'être franco-albanais et se marier à une bretonne. Vangjel monte une agence de voyage pour faire découvrir la richesse albanaise et ses "surprises". Son agence, ALBANIE 360°, sera présente au salon international du tourisme de Rennes en janvier 2017. Allez imaginer à Rennes vos prochaines vacances ! (www.albanie360.com)
Sans préméditation, Vangjel et son frère ont eu un effet très euphorisant sur mon moral, ébranlé par les deux derniers jours de pluie, et m'ont encouragé, avec beaucoup d'efficacité, à poursuivre mon itinéraire par l'ascension du col Qafa e Valbones, dont je craignais les difficultés sous la pluie et dans la brume. L'ascension n'était qu'une petite promenade, et tant pis s'il est déjà 11 heures.
Comme vous le voyez sur la photo, je m'inscris dans la tradition locale avec le couvre-chef traditionnel qui m'adoube albanais.


J'ai démarré l'ascension, et semble un peu perplexe lors de la première pause dans cet abri déserté, qui aurait pu être un café chaleureux. C'est que mon pantalon est trempé jusqu'au haut des cuisses, et ma chemise jusqu'au bas des omoplates, comme le prouve la photo. Rien n'indique qu'ils vont sécher. Si l'humidité ne monte pas plus haut, ne descend pas plus bas, je m'en tirerai à bon compte !



Malheureusement, je ne vais pas avoir la chance d'une éclaircie au-dessus de Valbone, comme je l'ai eue au col qui dominait Teth hier. A voir la topographie sur la vue aérienne qui suit, le panorama aurait dû être là aussi exceptionnel. Pour moi, le panorama ne nécessite même pas de lunettes.



Par un temps pareil, il est très difficile de faire du feu pour déjeuner. Encore une fois mon ange gardien se débrouille avec entrain pour compenser les intempéries, dont je l'accuse d'être responsable par étourderie : je débarque de ma planète embrumée pour atterrir dans un café, désert lui aussi, mais très récemment abandonné selon mes déductions perspicaces. Un brasero contient encore suffisamment de braises, qu'un souffle ranime, pour faire bouillir l'eau dans ma casserole. Je m'offre un repas complet sur un banc matelassé, sous un toit étanche, tout en séchant mes pieds à la chaleur offerte si généreusement. Personne ne viendra troubler ma digestion !

Voilà la vallée de Valbone, parcourue d'un fleuve de galets,
que les piétons et les véhicules empruntent
aussi bien les uns que les autres.

Pour me consoler d'avoir restreint l'univers
à mon entourage immédiat sous le col,
une brève éclaircie me fait un clin d’œil ensoleillé
sur le massif opposé.

Cette roue à aube a certainement une fonction précise
que j'ignore.



A l'abri, enfin, dans ma tente.

943 mètres de dénivelé brut en ascension,
761 mètres de dénivelé brut en descente,
20 kilomètres de trajet,
15 kilogrammes sur le dos,
50 kilogrammes de corps,
des hauts et des bas d'humeur,
calculez le travail W en kilojoules !

2 commentaires:

  1. Pierre,
    Est ce qu'en Albanie, c'est comme en Bretagne où, paraît-il, il ne pleut que sur les cons ? Je ne le pense pas sinon ton pantalon, ta chemise et toi-même ne seriez pas mouillés !
    Je dirais que les traces d'humidité sur tes vêtements sont dues à la transpiration après l'effort de l'ascension.
    Tu as vraiment l'air perplexe, attablé dans ton abri...

    RépondreSupprimer